Remboursement des séances de psychologue

Je ne me suis, jusqu’ici, pas encore exprimée sur le sujet mais je pense finalement important de le faire. Pour rappel du contexte, un projet est en cours qui propose le remboursement des séances chez un psychologue. Or, cette proposition telle qu’elle est formulée aujourd’hui est un leurre!

Première difficulté, le nombre de séances remboursées et la durée imposée. Ceux qui me connaissent savent que les temps que je propose en psychothérapie est d’au moins 1h. Parfois, il m’arrive de « déborder » en fonction du besoin du patient et des mes possibilités de planning. Avec ce projet, la séance serait réduite à 30mn non cumulable. Par ailleurs, le nombre de séances, au lieu d’être discuté et évalué en lien avec le patient et ses besoins est fixé arbitrairement à 7 séances (plus une première séance de « bilan »). Que fait-on en 7 séances de 30mn soit 3h30? Cette question de temps est un fondamental. Le temps du patient est le sien, le moment de vie que nous partageons n’est pas arbitraire ! Certaines personnes viennent en ayant déjà largement cheminées avant notre rencontre, elles n’ont alors besoin que d’un « coup de pouce » pour gravir le reste du chemin. D’autres, auront besoin de plus de temps pour des raisons qui leur appartiennent. Mon rôle est d’accompagner dans ce temps… je ne peux imaginer l’angoisse générée par le fait de se dire que nous n’avons plus que quelques minutes pour que la personne aille mieux! Non, l’accompagnement psychothérapeutique ne peut se penser ainsi si ce n’est au détriment de sa qualité et je m’y refuse !

Parallèlement à ce premier point où je n’ai abordé que la question de l’accompagnement d’un adulte, je voudrais ici souligner le manque d’adaptation de cette proposition au suivi des enfants. Je reçois au cabinet de nombreux parents en difficulté avec leur enfant et de nombreux enfants en souffrance. « S’apprivoiser » avec un enfant prend du temps, il en est de même avec les parents. Ceux qui viennent dans une demande de guidance parentale sont des parents fragiles qui acceptent de remettre en question leur fonctionnement parental mais cela demande de la douceur, du temps pour accompagner ces parents dans une modification de leurs pratiques parentales… cela est-il vraiment compatible avec ce temps qui nous est donné de 3h30?

Deuxième difficulté, la tutelle médicale. Autant j’apprécie un travail de partenariat avec mes collègues psychiatres ou médecins traitants, autant une logique tutellaire me paraît contre-productive. En effet, avec mon doctorat en psychologie, je suis incapable de diagnostiquer une infection ! Même si le sens commun peut m’amener à un certain discernement de ce qui va ou non, en aucun cas, je ne serai en position de pouvoir poser un diagnostic et encore moins un traitement. Dans la même logique, il me semble évident qu’un médecin généraliste, aussi compétent soit-il, pour qui les quelques heures de psychologie entendues dans son cursus peuvent être loin, va se trouver en difficulté pour déterminer de combien de temps de thérapie un patient aurait besoin. La thérapie est avant tout une rencontre ! Le « feeling » passe ou non et ce n’est pas parce que nous sommes psychologue que nous avons la faculté de plaire à tous. Aussi, comment sur prescription et adressage par la SECU, pouvoir être sûr que le patient va rencontrer la personne qui lui convient ? Comment être sûr qu’une personne qu’il n’aura pas choisi lui permettra d’avancer ?
La démarche d’aller voir un psy n’est pas une chose facile. Certains patients peuvent voir cela comme un aveu de faiblesse et comment faire cet aveu devant un tiers autre que le psy lui-même ? Ajouter un médecin, tout bienveillant qu’il soit, c’est ajouter du tiers dans une démarche qui peut être délicate pour nombre de patients. De ce fait, je refuse cette tutelle afin de laisser la possibilité au patient de choisir son praticien. Je nous laisse la possibilité de « nous tester » et de voir si je suis la personne qui lui convient ou non.

Oui, une psychothérapie a un coût ! Oui, il serait important et indispensable que cet accès au soin psychique puisse être accessible au plus grand nombre mais pas n’importe comment! J’espère que vous comprendrez à travers ce texte pourquoi je refuse actuellement de me conventionner.

Je profite de ce message pour vous proposer la chronique d’un médecin qui explique en tant que patient son soutien au positionnement que je partage avec nombre d’autres psychologues (https://www.franceinter.fr/emissions/alors-voila/alors-voila-de-baptiste-beaulieu-du-lundi-31-janvier-2022?fbclid=IwAR1jOE9LFKpIQkiYNEB05pr53ph5LTMf648O2AVE1Ug-OYaayaEVbx9NgHE)

Au plaisir de vous rencontrer.

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